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Mamadou Dia

Mamadou Dia, né le 18 juillet 1911 à Khombole au Sénégal, mort le 25 janvier 2009 à Dakar1 est un homme politique sénégalais qui fut le premier Premier ministre du Sénégal. Il est considéré comme l’un des bâtisseurs de la république du Sénégal.

Biographie

Mamadou Dia nait en 1911 de l’union d’un Toucouleur originaire de Kanel, cheminot à Thiès puis policier à Khombole, et d’une sérère, orignaire du Baol.

Formé à l’école coranique puis à l’école régionale de Diourbel, il entre après la mort de son père, à l’école primiare supérieure Blanchot de Saint-Louis en 1924 tout en poursuivant ses études coraniques.

Un instituteur le fait vieillir d’un an pour qu’il puisse passer le concours d’entrée de l’École normale William Ponty de Gorée (École normale fédérale de l’AOF). Admis en 1927, et reçu premier de l’AOF, il devient instituteur à Saint-Louis et Fissel, puis directeur de l’école régionale de Fatick en 19433. Il cotoit Joseph Mbaye, Fara Sow, Abdoulaye Sadji et Ousmane Socé Diop, connus à Blanchot, développant une hostilité envers le colonialisme et l’assimilation.

Ne portant aucun intérêt à l’engagement politique, il se fait régulièrement le relais dans la presse de la situation économique du Sénégal, en particulier de la misère des paysans pour lesquels il préconise un regroupement en coopératives.

Les habitants de Fatick lui demandant d’être candidat à l’Assemblée du Conseil général, il adhère pourtant à la SFIO, qu’il juge pas assez socialiste. Parrainé par Léopold Sédar Senghor et par Ibrahima Seydou Ndaw, il est élu conseiller général en 19463.

Avec Senghor, Ndas et Léon Boissier-Palun, il s’oppose au dirigeant de la SFIO sénégalaise, Lamine Guèye, qui tient la direction fédérale, et devient le porte-parole des contestataires jusqu’à leurs démissions du parti le 27 septembre 1948. Ils créent le Bloc démocratique sénégalais (BDS), qui tient son congrès fondateur du 15 au 17 avril 1949 à Thiès, Dia désigné secrétaire général et Senghor président du nouveau parti, rebaptisé au cours des années Bloc populaire sénégalais (BPS) puis UPS3. Dans cette période fondatrice, Dia sait habilement seconder Senghor dans les efforts de propagande en direction des minorités non-wolofs, notamment en Casamance ou dans le pays sérère.

Grand Conseiller de l’AOF en 1948, Dia devient ensuite sénateur du Sénégal (1949-1955) puis député, avec Senghor, à l’Assemblée nationale française en 1956, où il siège au sein des indépendants d’outre-mer (IOM).

Durant ces années de parlemantaires, il complète son cursus par des études supérieures de géographie, de droit et de sciences économiques sous le professorat marquant de François Perroux.

Dia constitue avec Senghor, en janvier 1957, à partir du BPS, le Parti de la convention africaine (PCA), premier pas vers une future fédération africaine que beaucoup de dirigeants appellent de leurs vœux.

En application de la Loi-cadre Defferre, adoptée le 23 juin 1956, il devient vice-président du Conseil de gouvernement du Sénégal en mai 1957 auprès du gouverneur Pierre Lami, puis président du gouvernement du Sénégal. Lorsque Charles de Gaulle propose un référendum sur la communauté française en 1958, les deux responsables s’opposent publiquement sur la position à prendre : Dia est favorable à une rupture avec la France, alors que Senghor veut conserver le Sénégal dans la communauté, ce qui est finalement réalisé.

Dia se succède à lui-même en qualité de Premier ministre après l’indépendance du 4 avril 1960. Quand Modibo Keita cherche à prendre le contrôle de la Fédération du Mali, Dia convoque une séance extraordinaire de l’Assemblé du Sénégal et un conseil des ministres dans la nuit du 20 au 21 août 1960. L’indépendance de la République du Sénégal et l’état d’urgence sur tout le Sénégal sont proclamés.

Spécialiste des questions économiques, influencé par Perroux, Henri Desroches et Louis-Joseph Lebret, Dia met en place le premier plan de développement économique du Sénégal3. Il tente aussi de développer un islamisme éclairé et une administration moderne, non sans provoquer quelques heurts avec les milieux conservateurs3.

Alors qu’il incarne au sommet de l’État un système politique bicéphale – la politique économique pour lui, la politique extérieure pour Senghor – ses relations avec le Président s’enveniment peu à peu. Dia milite pour une rupture plus nette avec la France et prépare une sortie planifiée de l’économie arachidière. Cette volonté, exprimée en 1961 dans un ouvrage, heurte les intérêts français.

Dans un discours sur « les politiques de développement et les diverses voies africaines du socialisme », le 8 décembre 1962 à Dakar, il prône le « rejet révolutionnaire des anciennes structures » et une « mutation totale qui substitue à la société coloniale et à l’économie de traite une société libre et une économie de développement ». Cette déclaration motive des députés à déposer une motion de censure contre le gouvernement les jours suivants. Jugeant cette motion irrecevable, Dia tente d’empêcher son examen par l’Assemblée nationale au profit du Conseil national du parti, en faisant évacuer la chambre le 17 décembre et empêcher son accès par la gendarmerie. Malgré ce qui est qualifié de « tentative de coup d’État » et l’arrestation de quatre députés, la motion est votée dans l’après-midi au domicile du président de l’Assemblée, Lamine Guèye.

Arrêté le lendemain par un détachement de paras-commandos, avec quatre de ses compagnons, Valdiodio Ndiaye, Ibrahima Sarr, Joseph Mbaye et Alioune Tall, il est traduit devant la Haute Cour de justice du Sénégal du 9 au 13 mai 1963, et condamné à l’emprisonnement à perpétuité dans une enceinte fortifiée à Kédougou, dans ses conditions de détention précaires selon certains. Lors de son incarcération des personnalités comme Jean-Paul Sartre et le pape Jean XXIII demandèrent sa libération et ceux des autres ministres. Mais Léopold Sedar Senghor reste sourd jusqu’en mars 1974, date à laquelle il décide de le gracier et de le libérer. Il est amnistié en avril 1976, un mois avant le rétablissement du multipartisme au Sénégal. Parmi ses avocats durant cette période, on compte Abdoulaye Wade et Robert Badinter.

Il tente de revenir sur la scène politique mais le parti qu’il fonde, le Mouvement démocratique populaire, avec comme objectif la mise en place d’un « socialisme autogestionnaire » ne recueille que peu de soutien, mais il conserve une place intellectuelle et morale dans son pays. Peu rancunier, il manifeste une profonde tristesse lors de la mort de Senghor et dénonce avec virulence, durant ses dernières années, le libéralisme économique pratiqué par son ancien avocat, le président Wade.

Il était un grand ami de Serigne Abass Sall de Louga.

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